Nicolas Souchet est né en 1976. Son atelier se situe à Toulouse. Il a à son actif de nombreuses expositions personnelles et collectives, a reçu des prix et a été invité d’honneur dans des Salons. Après des études d’Arts Plastiques à Toulouse, il s’est lancé dans l’enseignement des Arts Plastiques en collège (depuis 20 ans).
L’Art de la prise de risque
Le coup de pinceau de Nicolas Souchet évoque le glitch, petite défaillance dans le circuit électronique d'un ordinateur ou d’une télévision provoquant un résultat aléatoire de couleurs ou le remplacement d'un motif par un autre non prévu. Nicolas Souchet trouve un aspect ironique à ce dérapage visuel : « On nous vend une image de plus en plus nette, mais avec le glitch, une nouvelle image apparait, qui est accidentelle. »
Dans son travail l’accident fait sens. Souvent, il part d’une photographie avec une image très définie, puis il passe au dessin de manière très précise. Après cela vient la peinture, comme une peau par dessus. Il la gratte, la frotte pour provoquer ces accidents. Comme en sculpture, c’est là une prise de risque qui est assez intéressante, le retour en arrière étant impossible contrairement au dessin.
Pour obtenir ce rendu, il utilise des pinceaux, des brosses, des spalters très larges, des outils en silicone (dont une sorte de galet), ou même une raclette à vitre. Ces outils sont parfois difficilement maîtrisables. Combiné à la technicité de la peinture à l’huile et à la composition, ce traitement fait naître des oeuvres qui nous saisissent dès l’instant où notre regard se pose dessus.
Portraits des idoles son « petit Panthéon », diaporama
« Mon médium est la peinture à l’huile. Je produis des images issues principalement de photographies - personnelles ou collectées ici et là - qui sont très souvent en noir et blanc. Je questionne alors la Représentation, c’est-à-dire le référent, en jouant sur le degré d’iconicité de celle-ci. Les couleurs et le traitement pictural visent à rendre moins lisible l’image, comme une sorte de « glitch » que nous voyons aujourd’hui dans nos images numériques. C’est une altération inopinée du signal numérique que je tente de reprendre dans ma peinture et où la prise de risque m’entraine dans une direction inattendue. La peinture prend alors le pas sur l’image, elle vient la déstabiliser plutôt que de chercher la ressemblance. »
Des oeuvres actuellement visibles à l’Espace Éphémère
« Le Détail »
À la vue de cette oeuvre, ce qui saute aux yeux (justement!), c’est l’aspect déconstruit induit par le blanc de la toile en bas. Ce tableau représente un très gros plan sur l’oeil de l’artiste, qui s’est servi d’une photographie comme modèle. Il mesure un mètre par un mètre, ce choix de format accentuant largement l’impact du regard. La forme du tableau, de par la stabilité induite par le carré, vient, elle, renforcer l’impact qui s’installe dès que l’on se place face à lui.
« L’idée était d’arriver à se rapprocher non pas de l’oeil, mais de la Peinture, l’oeil étant plus un prétexte. Il s’isole dans la toile. J’aime montrer les différentes strates de la toile, le fond blanc, les coups de crayon, des couches plus liquides et des couches en matière. »
À noter que cette oeuvre a été faite dans le cadre d’une performance, ce qui lui donne d’autan plus de force. Du début à la fin, tout est spontané et fulgurant : l’instantané de la photo (imparfaite), le geste de l’artiste (dans un temps limité), la composition, les couleurs, etc.
« Le bal perdu »
Cette oeuvre est inspirée par une scène de genre photographiée par Robert Doisneau. Nicolas Souchet aime ce type d’images qui évoque un coté désuet et le rapport humain qui existait il y a quelques années, paraissant aujourd’hui anachroniques.
« Je n’ai aucun mérite sur l’image de Doisneau, je me considère plus comme un Daft Punk* : avec des samples qui existent déjà, je mixe des choses, je picore à droite et à gauche et je relance cette chose là. »
Le sampling est une technique musicale basée sur l’utilisation d’extraits sonores préexistants (principalement pop, techno, funk et disco) afin de créer une nouvelle composition.
*Groupe de musique électronique français, composé de deux artistes, à l'origine du mouvement de la « French Touch »
« Sans titre »
L’image d’origine est une photographie issue d’une vidéo projetée dans une galerie. Elle datait des années 90, avec une qualité intentionnellement moyenne. Nicolas Souchet a, de plus, intentionnellement utilisé un appareil basique. Au final il a extrait de cette vidéo une image qui l’a interpellé.
Le personnage de ce film était un danseur de Butō : danse japonaise née dans les années 1960, « danse du corps obscur ». La singularité de celle-ci est qu’elle est très expressive : les artistes donnent à voir des déformations du visage. À sa naissance, le Butō a été nourri par les avant-gardes artistiques européennes (parmi lesquelles l'expressionnisme allemand, le surréalisme, la littérature des écrivains maudits d'Occident, etc.).
Le tableau représente un homme allongé sur une rive, à moitié dans l’eau. Il peut sembler paisible. Quand on connait le contexte d’origine, il prend une toute autre dimension. En effet, l’exposition que visitait Nicolas Souchet à ce moment là avait pour thème l’art et la psychiatrie. Le danseur errait dans un vieux château, devenu un hôpital psychiatrique et faisait un spectacle devant les patients. La photographie initiale est tirée d’une scène au bord de l’eau où il se laisse tomber.
« Il y avait un côté nymphéas* dans cette image. Comme la qualité était moyenne, je n’avais que des masses et donc le sujet est devenu un prétexte."
*Claude Monet
Texte de Marc Trichard *
« Il est de bon ton de penser que les arts graphiques se doivent de nous faire tenir réflexion. Leur marché a été saturé d’installations conceptuelles, d’artefacts, nous faisant perdre de vue l’essence, l’origine de ceux-ci : révéler l’âme figurative.
Et c’est précisément à cela que nous invitent les œuvres de Nicolas Souchet. Nous abandonner à contempler le cœur des personnes, des choses exposées. Découvrir les éclats d’humanité.
Ainsi éclairées par la technique et la maîtrise de la chromatologie, elles semblent nous raconter leur histoire. Par la subtilité de l’éclairage, la lumière nous appelle à écouter ces sujets, qui semblent alors nous susurrer l’intime et happer nos sensibilités. De cette façon, l’artiste nous enjoint de poser un regard bienveillant, presque amoureux, sur l’autre.
À en apprécier la grâce élémentaire, comme les caractères uniques. »
*Écrivain contemporain, auteur de « Âme à zones », sorti en 2022.
Retrouvez les oeuvres de Nicolas Souchet :
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