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Zoom sur… Yvon Saillard, ou l'essence des corps dans l'espace de la toile

Dernière mise à jour : 31 mai 2023

Yvon Saillard est un peintre contemporain situé à Rivesaltes, né en 1955 à Paimpol. Attiré très tôt par la pratique artistique, il a suivi des études supérieures à Aix-en-Provence. Il a participé à de nombreuses expositions individuelles ou collectives en France et à l’étranger. Sa peinture, très spontanée et authentique, est réalisée avec une grande liberté procurant de la force à ses grands formats.





Fonds et formes dans son Å“uvre


Dans les tableaux d’Yvon Saillard les sujets évoluent sur des fonds libérant leur énergie dans l’espace de la toile.

La danse contemporaine et le théâtre sont, entre autre, des sources d’inspiration pour lui. Il aime aussi reprendre les grands peintres, les questionner, les mettre au goût du jour. « N° 5 rue des Fleurs » est une fusion entre des fleurs et des personnages qui surgissent, comme un cheval, lui même tiré d’une peinture de Velasquez. « N° 10 de la Rue des Fleurs » est une citation de Jean-Siméon Chardin et son « Panier de fraises ». Dans la version d’Yvon Saillard quelques éléments ont été gardés mais il a dédoublé le panier, placé en suspension dans l’espace.

Au départ, les fonds sombres ont pour vocation de faire ressortir les figures. Ils rappellent la façon d’éclairer uniquement certaines parties que l'on retrouve au théâtre. Ainsi le noir, le rouge, le vert et le bleu sombres résultent de cette recherche, proche du clair-obscur de Le Caravage.


« Le noir est une absence, on n’est pas obligé d’écrire toute une scène. Le noir est très lourd, le rouge et le vert sombres sont là pour expérimenter, ne pas rester dans quelque chose de dur, pour ne pas étouffer. J’ai mis du temps à trouver les fonds qui me convenaient. »

"Éléphant", acrylique sur toile par Yvon Saillard
"Éléphant", acrylique sur toile par Yvon Saillard



La représentation du corps chez Yvon Saillard


« C’est une tentative de dire ce que le corps ressent dans sa peau et dans ses os. Dire les sensations qui le traversent : marcher, endurer, crier, vibrer, etc. C’est une volonté de traduire l’espace du corps dans un espace plastique où la déformation, les ruptures, l’acceptation des hasards, des mutations, de l’improvisation, traduisent le combat dont la toile est l’arène. C’est comme cela que je traite le corps humain : j’essaie d’oublier qu’il nous est particulier. L’entreprise de dépaysement consiste à tenter de voir dans le corps que je peins, non pas seulement un humain, non pas seulement un animal, mais une substance qui remonte à l’origine. »

Yvon Saillard tire ses sujets humains de photographies ou de captations de vidéos qu’il fait avec arrêt sur image, des instantanés avec des nets et des flous. C’est comme cela qu’il parvient à cette grande liberté esthétique qui le caractérise : une partie est traitée de manière abstraite, introduite par lui. Il préfère partir du réel et le transformer, le modèle n’est pas strict : il prend de la liberté par rapport à ces documents. Il fait des corps avec spontanéité et la volonté de transformer les choses, de les rendre mobiles.

Yvon Saillard représente des corps de plus en plus grands, en faisant des focalisations sur certaines parties. C’est la masse qui l’intéresse, c’est pourquoi il a aussi peint un éléphant, par exemple.

Les figures sont souvent allongées, il ne veut pas forcément les mettre dans une position « favorable », il cherche à présenter des personnages qui ne sont pas forcément à leur avantage comme les portraits d’autrefois qui visaient à enjoliver pour faire bonne image. Là, comme dans le théâtre contemporain, on voit des scènes de déchéance, l’aspect tragique des choses.



Rue des Fleurs

« N°6 Rue des Fleurs » par Yvon Saillard - crédit photo Daniel Castello
« N°6 Rue des Fleurs » par Yvon Saillard - crédit photo Daniel Castello

Yvon saillard a récemment conçu une exposition, nommée « Rue des fleurs », où chaque œuvre portait un numéro de la rue, « comme un rue intérieure, un espace de galerie intérieure. » Peignant en atelier, il prend les fleurs réelles à la main, les choisit, s’en imprègne et compose directement sur la toile. Il n’essaie pas de représenter une fleur techniquement parfaite, mais plutôt de s’en inspirer et en général. De même quand il peint des corps, il s’agit d’avoir un maximum de liberté dans la représentation. Il travaille les codes de celle-ci en la distendant, allant presque jusqu’à l’abstrait.

« N°6 Rue des Fleurs » est une oeuvre globale constituée d’une douzaine de bannières verticales.


« Elles sont toutes improbables, très libres, par exemple l’une d’elles s’inspire de la « Dame à la Licorne » (tapisserie de Bayeux). J’ai essayé de jouer sur des parties quasiment abstraites où la fleur disparaît dans un jus de couleurs et d’autres où elle est restée dans un état plus réaliste. Il y a beaucoup de coulées parce que je travaille avec des peintures très diluées à l’acrylique, et il se produit souvent des rencontres, un peu comme dans une improvisation musicale de jazz, où des choses inattendues surgissent de la matière et du motif. »


« La Guerrière » et « Le Visage » : deux tableaux exposés à l’Espace Éphémère


"Guerrière 2", acrylique, toile sur châssis (diptyque), 220 x 150 cm, par Yvon Saillard
"Guerrière 2", acrylique, toile sur châssis (diptyque), 220 x 150 cm, par Yvon Saillard


"La guerrière" est un personnage qu’Yvon Saillard a décliné en plusieurs versions. Au départ, c’est une danseuse contemporaine, qu’il aime bien parce qu’elle a beaucoup de force et c’est ce qu’il cherche dans la peinture. Cette guerrière est pour lui comme une muse ou une déesse qui a un côté sacré et mythologique. En cela, elle est très représentative de ses tableaux à la figure humaine de plus en plus grande : il faut que ça soit un peu plus grand que les humains, pour cet aspect sacré, voire divin.


"Visage", acrylique, toile sur châssis, 110 x 150 cm, par Yvon Saillard
"Visage", acrylique, toile sur châssis, 110 x 150 cm, par Yvon Saillard

« Le Visage » a fait l’objet lui aussi de plusieurs versions. Au départ, le personnage, toujours une danseuse contemporaine, évoluait dans une scène de groupe. Puis il a choisi de la reprendre seule et de l’extraire de l’action initiale. On peut sentir ce contexte, bien que disparu, dans le fond de la toile, notamment avec un personnage sur sa droite que l’on ne remarque pas tout de suite, comme effacé, émergeant puis semblant disparaitre, nous rappelant cet instantané du moment réel qu’était la chorégraphie à laquelle le peintre a assisté. Cet effet est renforcé par les yeux fermés de la femme : bien que sur le tableau on ait l’impression d’un portrait, en réalité elle était en pleine action, elle dansait, bougeait, évoluait dans l’espace.

L'énergie captée est accentuée par le traitement au pinceau : les couleurs semblent véritablement vibrer sur la toile, les tracés, eux, construisent et déconstruisent simultanément le corps et le visage. Le fond tantôt se confond, tantôt se découpe et exprime sa pleine présence. Le « vide » qu’il incarne offre comme une scène émotionnelle à cette danseuse.


« Elle ne semble pas dans une action, alors qu’en réalité elle l’est. Je digresse et je reprends des sujets, ça m’amène à des climats très différents de celui d’origine. C’est un instantané, elle est loin. Je privilégie des photos pas trop précises ni bien faites, mais plutôt des ambiances que j’interprète dans ma tête pour rendre l’impression que j’ai eue au moment où je fais le tableau. Tout dépend de ce que je capte, parfois j’attends longtemps avant d’utiliser une photo car je ne souhaite pas me servir des mes documents de manière froide, sans ressenti particulier. D’où le personnage disparu : j’aime ne pas tout contrôler, je me rends disponible pour que l’inconscient revienne et laisse juste arriver les choses. »




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